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#Santé

Dr Françoise Brignole-Baudouin, la passion des techniques diagnostiques

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OPTICIENS ORTHOPTISTES OPHTALMOLOGISTES
13/02/2023

Suite de notre série "Femmes d'excellence" avec notre rencontre à l'hôpital des Quinze-Vingts auprès de la Dr Françoise Brignole-Baudouin. Pour cette dernière, la médecine est une vocation depuis l'enfance. A la suite de sa thèse de médecine, elle intègre le laboratoire d’hématologie du CHRU de Nice, un grand laboratoire central où elle participe au diagnostic des leucémies et du sida par l’intermédiaire de la cytométrie en flux, « une technique qui envahissait les laboratoires à l’époque », précise-t-elle.


 

Portrait Dr. Françoise Brignole-Baudouin

Dr Françoise Brignole-Baudouin

Maître de conférences en toxicologie à la Faculté de Pharmacie de Paris,
cheffe du laboratoire d’ophtalmobiologie à l’hôpital des Quinze-Vingts et chercheuse à l'Institut de la Vision.


De l'immunologie à la toxicologie

L’histoire aurait pu s’arrêter là et sa carrière se centrer sur les maladies hématologiques, dont les leucémies atypiques qui la passionnaient par leur diagnostic complexe. Mais son mari, ophtalmologiste, l’incite à s’intéresser aux prélèvements oculaires précieux et à cellules rares, comme les empreintes conjonctivales. « A l’époque, elles étaient analysées grâce à des colorations cytologiques mais nous avons entrepris de les analyser en immunofluorescence, ce qui permettait de tester au maximum un ou deux marqueurs » précise la Dr Brignole-Baudouin.

Suivre la diffusion des conservateurs pour remonter le fil de leur toxicité

En 1995, Françoise Brignole-Baudouin entre comme assistante en immunohématologie à l’hôpital Ambroise Paré. En charge d’un volet développement au sein de ce laboratoire, elle met au point un protocole d’extraction et d’analyse des cellules de la conjonctive en cytométrie de flux, ouvrant la porte à la possibilité d’analyses multimarqueurs. Commencent alors des travaux sur la sécheresse oculaire, les glaucomes, les allergies… Elle y prouvera l’intérêt diagnostique et de suivi thérapeutique du marqueur HLA-DR, surexprimé dans les cas d’inflammation mais généralement absent des pathologies allergiques. Elle a ainsi permis de mettre en évidence que « les patients glaucomateux souffrent d’inflammation de la surface oculaire du fait des conservateurs présents dans les collyres qu’ils prennent comme traitement. Entre la fin des années 80 et le début des années 2000, cette découverte a un impact majeur, et participe à la réduction de l’utilisation des conservateurs dans les collyres, et à la production de traitements unidoses ou combinés ».


"Découvrir que les conservateurs présents dans les collyres provoquent une sécheresse oculaire a participé à la réduction de l’utilisation des conservateurs dansles collyres, et à la productionde traitements unidoses ou combinés"
 

Sa thèse d’université sera consacrée aux mécanismes immunologiques et toxiques en cause dans la sécheresse oculaire. Ce qui l’amène à collaborer avec l’équipe de toxicologie de la Faculté de Pharmacie, qu’elle rejoint en 2001 comme enseignante, tout en effectuant sa recherche au centre de recherche des Cordeliers, à l'unité INSERM « Physiopathologie et innovation thérapeutique en ophtalmologie » dirigée par la Pr Francine Behar-Cohen. Elle intègre ensuite l’Institut de la Vision à sa création en 2008 par le Pr José Sahel, d’abord dans l’équipe dirigée par son mari, le Pr Christophe Baudouin, puis depuis 2022 dans celle de la Dr Annabelle Réaux-Le-Goazigo.
Pour continuer à explorer in vivo l’effet de ces collyres appliqués chez l’homme, elle monte une plate-forme d’expérimentation et d’imagerie à la Faculté de Pharmacie. Une collaboration avec l’ICSN (Institut de Chimie des Substances Naturelles) sur les techniques d’imagerie par spectrométrie de masse a permis de démontrer chez le lapin que les conservateurs des collyres pénètrent dans l’œil et s’y propagent, imprégnant la cornée et la conjonctive, allant se nicher jusque dans l’angle iridocornéen, et même dans le cristallin et la zone du nerf optique. Ce que des prélèvements issus de chirurgie chez l’homme ont pu confirmer en partie. A l’heure actuelle, deux thèses co-encadrées avec Annabelle Réaux-le-Goazigo continuent à explorer l’impact de ces conservateurs, et notamment la possibilité de leur neurotoxicité.

A lire aussi : "Comprendre les douleurs oculaires" avec la Dr Annabelle Réaux-Le Goazigo.

De nouvelles techniques pour pousser encore plus loin la recherche de biomarqueurs

Dans le laboratoire d’ophtalmobiologie de l’hôpital des Quinze-Vingts, Françoise Brignole-Baudouin réalise « un bilan, que j’appelle le triptyque, pour aider dans leur diagnostic les ophtalmologistes traitant des patients atteints de pathologies de la surface oculaire complexes, sécheresse, allergie ou présence de parasites. Nous analysons par exemple les anomalies cytologiques des cellules de l’épithélium conjonctival qui caractérisent la sécheresse oculaire », détaille la praticienne. Le recueil des larmes, pour lequel elle souhaite développer un outil de prélèvement plus efficace, lui permet de doser les protéines intervenant dans la défense anti-infectieuse de la surface oculaire, et sous-représentées en cas de sécheresse, ainsi que les immunoglobulines caractéristiques des allergies. Enfin, le volet infectieux recherche la présence de bactéries dans les frottis conjonctivaux, et d'un acarien, le Demodex, à la base des cils.
Pour aller toujours plus loin dans l’aide au diagnostic, la Dr Brignole-Baudouin s’intéresse aujourd’hui à de nouvelles technologies dites omiques, et à leur potentiel pour la recherche de biomarqueurs, comme l’analyse protéomique et transcriptomique des larmes. « En collaboration avec une équipe de Genève, nous avons pu montrer qu’il y a des corrélations de certains transcrits avec les signes et les symptômes de la sécheresse oculaire », précise la chercheuse.
Enfin, son dernier projet en date, en collaboration avec le Pr Olivier Laprévote de la Faculté de Pharmacie de Paris, avec lequel elle a co-encadré une thèse sur ce sujet, est l’étude lipidomique des cellules de la conjonctive. « Nous allons essayer d’approfondir nos analyses de tissus et de fluides par cette nouvelle vision des métabolites présents à la surface oculaire. C’est probablement le sujet qui m’animera pour la fin de ma carrière », sourit Françoise Brignole-Baudouin. Gageons pourtant que si une technique encore plus prometteuse voit le jour, cette analyste passionnée s’en saisira également.


Propos recueillis par Aline Aurias 


Photo en vignette : Institut de la Vision et hôpital des Quinze-Vingts © Institut de la Vision - P. Kitmacher

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