Kate Grieve Prix Irène Joliot-Curie "Femme, recherche et entreprise" décerné par l'Académie des sciences

Kate Grieve, experte en imagerie optique, a reçu le Prix Irène Joliot Curie "Femme, recherche et entreprise", décerné par l'Académie des sciences. Ce prix, l’un des plus prestigieux dans le domaine scientifique, récompense depuis 2001 des femmes scientifiques qui se distinguent par la qualité de leurs recherches, et, pour la catégorie dans laquelle est distinguée Kate Grieve, leur parcours entrepreneurial. Interview.

Kate Grieve
Directrice de recherche Inserm et cheffe d'équipe à l'Institut de la Vision, directrice scientifique de l'unité d'imagerie oculaire « Paris Eye Imaging » à l'Hôpital National des 15-20, présidente et fondatrice de la startup SharpEye, et directrice scientifique de la startup Lutèce Dynamics.
Qu'est-ce qui vous a incitée à postuler pour le prix Irène Joliot-Curie ?
C’est un prix connu des gens de mon domaine. J’en avais entendu parler il y a quelques années quand Sandrine Lévêque-Fort, que je connais depuis ma thèse, en a été lauréate dans la catégorie Parcours Femme entreprise, en 2020. Elle avait été soutenue par Paul Boccara, physicien renommé qui a été notre directeur de thèse à toutes les deux et a également soutenu ma candidature. Pour pouvoir postuler à ce prix, il faut avoir une entreprise existant depuis au moins trois ans. Nous avons créé la start-up SharpEye avec le Pr Sahel durant le Covid, et j’étais donc devenue éligible. J’y ai de plus été encouragée par Elena Gofas, jeune chercheuse dans mon équipe, qui a reçu le Prix Jeunes Talents France L’Oréal-UNESCO pour les femmes et la science en 2022 (Voir l'article "De l’astronomie à l’identification cellulaire, comment l’imagerie rend visible l’invisible">.)
Pour quels travaux le recevez-vous ?
Ce prix récompense tout un parcours, tant académique qu’entrepreneurial. Mes recherches à l’Institut de la Vision ont pour objectif d’obtenir de façon non invasive des mesures de la structure et la fonction des cellules rétiniennes dans l'œil humain vivant et en laboratoire. Je travaille ainsi à améliorer la résolution des solutions d’imagerie clinique de l’œil, afin d’accompagner la compréhension des mécanismes sous-jacents dans les maladies dégénératives de l’œil, la conception de solutions thérapeutiques et le suivi de leur efficacité. Avec mon groupe, je réponds à ces problématiques en apportant des outils innovants dont l'objectif principal est de révéler, à l'échelle microscopique, les cellules de la rétine et de la cornée impliquées dans diverses pathologies. Nos outils, qui prennent la forme d’ophtalmoscopes, ont la particularité d’être non invasifs. Ils peuvent également être utilisés sous une forme de microscope pour l’étude de cellules en cultures lors du développement de thérapies. La plateforme d’imagerie que je dirige, au sein de l’Hôpital des 15-20, me permet d’aider directement aux études cliniques des patients. Les start-ups que j’ai créées ont vocation à faire le transfert de nos prototypes vers des dispositifs commerciaux d’imagerie oculaire axés sur le confort du patient, afin d’optimiser son expérience et les résultats d’imagerie.
Journée de remise de prix à l'Académie des Sciences ©DR
Kate Grieve avec des membres de son équipe de l'Institut de la Vision. De gauche à droite : Nate Norberg (doctorant), Kiyoko Gocho (clinicienne), Kate Grieve, Ayoub Lassoued (postdoc) – qui travaillent ensemble sur l'imagerie des patients au CIC de l’Hôpital National des 15-20 ©DR
Le prix Irène Joliot-Curie
Ce prix est financé par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche dans le cadre de son action en faveur de la mixité des métiers en sciences et en technologies. L’organisation de son jury est confiée, depuis 2011 à l’Académie des sciences, en association avec l’Académie des technologies. C’est d’ailleurs à l’Académie des sciences qu’est remis le
prix. La catégorie « Femme, recherche et entreprise » récompense une femme qui, à partir d’excellence scientifique et technique, se consacre à développer des innovations de forte portée économique et sociale en travaillant au sein d’une entreprise ou en contribuant à la création d’une entreprise. La lauréate du Parcours femme, recherche, entreprise reçoit une somme d’un montant de 20 000 €.

©DR
Comment avez-vous vécu la remise de ce prix ?
C’est évidemment un honneur et un plaisir d’être ainsi reconnue pour mon parcours. Recevoir un prix est également toujours une opportunité pour donner de la visibilité au travail de toute une équipe. Et dans le cas de celui-ci, cela reconnait aussi bien les travaux académiques que ce que nous avons mis en place avec les start-ups. Je trouve de plus toujours cela intéressant de faire un pas vers le grand public, de montrer ce que l’on fait en recherche, nos projets. Le prix étant remis à l’Académie des Sciences, sous la coupole, c’était vraiment un moment très impressionnant. D’autant que nous faisions partie des très nombreux prix qui était remis ce jour-là.

©DR
Que représente-t-il pour vous, en tant que femme ?
Ces derniers temps j’ai également reçu le prix Jean Jerphagnon 2022 de la Société Française d’Optique et le Prix des Innovateurs 2022 de la Région Ile-de-France. J’étais dans les deux cas la seule femme en lice. S’il est particulièrement gratifiant de remporter des prix dans des disciplines perçues comme dominées par les hommes, il me semble également important de postuler à des prix pour les femmes. C’est une façon de se positionner, comme chercheuse, et comme modèle pour les jeunes femmes. J’ai à ce titre trouvé très intéressant l’exercice du dossier de candidature où je devais réfléchir, par écrit, à comment mieux promouvoir la place des femmes dans la science. Ma situation académique et entrepreneuriale actuelle me met en effet dans une position clé pour veiller aux questions de parité autour de moi, dans les conférences que je co-organise...

© Su-Pkitmacher
Voyez-vous déjà les effets de ce positionnement ?
De fait, aujourd’hui, lorsque je recrute un doctorant, la majorité des candidats sont des femmes ! Si c’est peut-être lié à la nature interdisciplinaire de mes recherches, je crois surtout que les jeunes femmes sont motivées à venir travailler dans une équipe où elles se sentiront soutenues et capables de s’exprimer, car leurs opinions seront prises au sérieux. Elles ont en effet la preuve directe du succès des femmes dans leur domaine de recherche sous la forme de leurs collègues. J’espère que la visibilité fournit par le prix Irène Joliot-Curie va contribuer à consolider la place des femmes dans la communauté scientifique et à changer la perception publique de l’environnement de travail scientifique, pour en faire un endroit inclusif et accueillant pour tous.
Propos recueillis par Aline Aurias.
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