Krys Jacou - Espace Bocaud
Virginie R.
La thérapie optogénétique vise à modifier génétiquement des cellules afin qu'elles produisent des protéines sensibles à la lumière. À l'issue d'un premier essai clinique mené chez l'humain, un patient aveugle, atteint de rétinopathie pigmentaire, vient de récupérer partiellement la vue : une première mondiale !
L'information est en effet tombée il y a quelques jours, dans la très sérieuse revue Nature Medicine. Son auteur : le Pr José-Alain Sahel, fondateur de l'Institut de la Vision, chef de service à l’hôpital des Quinze-Vingts, professeur à l’université de Pittsburgh et à Sorbonne Université. Avec ses équipes, il vient de dévoiler les résultats à sept mois du premier essai clinique réalisé chez l'être humain par thérapie optogénétique chez un patient atteint de rétinopathie pigmentaire. Pour rappel, cette maladie génétique dégénérative de l'œil se distingue par une perte de la vision, causée par des mutations dans plus de 71 gènes : elle concerne près de 30 000 personnes en France.
Cette thérapie doit son nom à l'association de l’optique et de la génétique. Au début des années 2000 a été découverte la channelrhodopsine, une protéine photosensible issue d’une algue unicellulaire. En présence de lumière, elle produit un courant électrique qui déclenche le déplacement de l’algue vers la source lumineuse. L'idée est alors de l'utiliser chez les patients ayant des pathologies de la rétine et ayant perdu leurs photorécepteurs. Comment ? En implantant dans les neurones, via des vecteurs viraux utilisés généralement en thérapie génique, une telle protéine photosensible (opsine), capable de créer un courant électrique au travers de la membrane cellulaire. Cette méthode, jusqu'alors menée sur des souris, montrait une réponse positive des cellules à la lumière.
Nommé Pioneer, ce premier essai clinique chez l'homme a donc été le fruit d’une collaboration entre l’Institut de la Vision à Paris, l’Institut d’ophtalmologie moléculaire et clinique de Bâle (IOB) et l’université de Pittsburgh, avec la société GenSight Biologics. Il visait à évaluer “l'innocuité et la tolérabilité du vecteur viral nommé GS030-DP” chez des patients souffrant de rétinopathie pigmentaire à un stade avancé. Aussi l’entreprise Gensight Biologics avait parallèlement mis au point un dispositif externe portable composé de lunettes et doté d’une caméra et d’un vidéoprojecteur. Résultat : sept mois après l'injection du vecteur viral et après avoir reçu une formation sur l'utilisation du dispositif, le patient aveugle “a commencé à présenter des signes de perception visuelle”, ayant acquis la capacité de percevoir, localiser, compter et toucher des objets uniquement lorsque son œil traité était stimulé avec les lunettes GS030-MD.
La promesse de cette approche thérapeutique : cibler toutes les pathologies de la rétine avec perte des photorécepteurs. Si cet essai a concerné un patient atteint de rétinopathie pigmentaire, elle pourrait à terme être également appliquée à d’autres maladies avec perte des cônes et bâtonnets : on pense à la DMLA par exemple, la dégénérescence maculaire liée à l’âge. “Les personnes aveugles atteintes de différents types de maladies neurodégénératives des photorécepteurs et d'un nerf optique fonctionnel seront potentiellement éligibles pour le traitement, mais il faudra du temps avant que cette thérapie puisse être proposée”, déclarait le Pr José-Alain Sahel. Un essai de phase 3 devrait être prochainement mis en route afin d'avoir la confirmation de l'efficacité de cette méthode thérapeutique. À suivre donc...
Apparue dans le courant des années 2000, l’optogénétique n’a depuis cessé de bouleverser le monde des neurosciences. A la croisée de l’optique et du génie génétique, cette technique consiste à modifier génétiquement des neurones afin de les rendre sensibles à la lumière.
Si le temps de la recherche paraît souvent très long, et tout particulièrement pour les patients atteints de pathologies ne disposant d'aucun traitement, la recherche sur les maladies de la vision avance pourtant à vive allure.
En France, on estime à 3,1 millions le nombre de déficients visuels1, de tout âge2.
Virginie R.
Marion V
Elisabeth G
Anne-Laure P