Le prix Wolf de médecine attribué au Pr José-Alain Sahel et au Dr Botond Roska
Le Pr José-Alain Sahel a reçu le prestigieux prix Wolf de médecine avec son collègue Dr Botond Roska, docteur en médecine et es sciences, de l'Institut d'ophtalmologie moléculaire et clinique de Bâle (IOB), pour leurs travaux visant à restaurer la vue à l'aide de l'optogénétique, un outil de recherche qui utilise la lumière pour contrôler l'activité cellulaire. Interview.
Pr José-Alain Sahel, docteur en médecine, fondateur et ancien directeur de l’Institut de la Vision, professeur émérite, Distinguished Professor et Chairman du département d'ophtalmologie de l'école de médecine de l'université de Pittsburgh et directeur de l'UPMC Vision Institute. ©DR
Pourriez-vous nous en dire plus sur les travaux pour lesquels vous recevez le prix Wolf ?
Il s’agit de l’essai clinique que nous avons publié en 2021 dans la revue Nature Medicine, qui décrit le premier cas de restauration partielle de la vision chez un être humain grâce à une nouvelle approche, l’optogénétique. Celle-ci utilise la thérapie génique pour reprogrammer et rendre les neurones survivants de l'œil sensibles à la lumière, remplaçant fonctionnellement les photorécepteurs perdus en raison de dommages et de maladies génétiques. Nous sommes actuellement en train d’analyser les données du reste de la cohorte et d’essayer de comprendre ce qui s’est passé, pourquoi certains patients ont eu de meilleurs résultats que d’autres. Nous préparons justement, avec Botond et l’équipe, la publication de ces résultats.
Comment avez-vous accueilli la nouvelle de l'attribution de ce prix exceptionnel ?
Ça a été une très bonne surprise, car ce n’est pas un prix où l’on postule, mais où vous êtes nominé, et où votre candidature est soutenue par des lettres de recommandations. Même si Botond Roska et moi-même avons déjà reçu un certain nombre de prix internationaux pour ce travail*, le prix Wolf est un des très grands prix internationaux en médecine. Sur les 380 lauréats de ces 40 dernières années, il n’y en avait jamais eu en ophtalmologie, c’est donc un évènement important pour la communauté. Cela reconnait le travail qui a été mené avec toute l’équipe de l’Institut de la Vision, et de l’hôpital des 15-20, depuis une quinzaine d’années. Et j’ai aussi été ému par le fait que de nombreux scientifiques et artistes que j’admire, dont Chagall, l’ont également reçu.
* le prix international de la Max Planck Society en 2023, le prix Chica and Heinz Schaller de la Fédération Européenne des Neurosciences en 2022, le prix « Science Breakthrough of the Year » décerné en 2021 par la Falling Walls Foundation à Berlin…)..
"Il n’y avait jamais eu de Prix Wolf en ophtalmologie, c’est donc un évènement important pour la communauté."
Pr José-Alain Sahel ©DR
Que signifie pour vous le fait qu'il vous soit remis conjointement avec Botond Roska ?
C’est vraiment un grand plaisir car, au-delà de la reconnaissance internationale de cette collaboration, Bolton et moi avons une amitié scientifique qui dure depuis plus de vingt ans. C’est quelqu’un de très brillant, qui est mathématicien, biologiste, médecin, mais aussi musicien… un être éblouissant. Nous nous sommes rencontrés dans les années 90. C’est Serge Picaud, actuel directeur de l’Institut de la Vision, qui l’a rencontré lorsqu’il était en post-doctorat à l’Université de Berkeley, où Botond faisait son doctorat. Durant un été, Botond avait conduit de la Hongrie, dont il est originaire, jusqu’à Strasbourg où nous nous trouvions à l’époque, pour venir travailler un mois au laboratoire. A l’époque, je travaillais à l’hôpital toute la journée, puis je rentrais embrasser mes trois enfants avant qu’ils s’endorment, je passais un peu de temps avec ma femme puis je retournais travailler à mon bureau au laboratoire. Je me souviens d’une nuit, vers deux heures du matin, où j’ai entendu un bruit étrange dans le couloir. C’était Botond qui sautait à pieds joints dans le couloir parce qu’il était fou d’excitation d’avoir réussi une première mondiale, l’enregistrement d’une cellule bipolaire de la rétine. Son enthousiasme m’a ému et a résonné avec ce qui m’anime. A partir de ce moment-là, nous avons toujours travaillé ensemble et nous avons un constant bonheur à le faire.
Ce prix à donc également un aspect symbolique pour vous ?
Oui, d’autant qu’il est donné en Israël et remis à la Knesset, le parlement israélien, par le président Isaac Herzog, qui est quelqu’un d’admirable. Pour moi, dont la mère vit en Israël depuis plusieurs années, cela me donne l’espoir qu’elle puisse être là, assister à cette remise de prix. Ce sera évidemment après la guerre, donc on ne sait pas encore très bien quand ça pourra être. Mais j’espère que cela va arriver à un moment donné, qu’on pourra passer à autre chose, entrevoir l’avenir.
"Nous travaillons actuellement sur la génération suivante d’optogénétique, avec comme objectif une vision à très haute résolution pour les patients."
Et pour le futur de ce projet, quel est votre espoir ?
Ce que le prix Wolf a récompensé, c’était la première génération de projets d’optogénétique, qui n’a permis qu’une restauration partielle de la vision. Nous travaillons actuellement, moi ici à Pittsburgh, Botond Roska de son côté, mais aussi Serge Picaud et Deniz Dalkara à Paris, sur la génération suivante d’optogénétique, qui vont de pair avec nos travaux sur la rétine artificielle. Nous voulons arriver à une vision à très haute résolution pour les patients. C’est un projet que nous menons avec Leah Byrne et Morgan DiLeo à Pittsburgh, Valentina Emilani et Emiliano Ronzitti à l’Institut de la Vision de Paris. C’est un long chemin et à l’âge que j’ai, je ne sais pas si j’en verrai le bout mais, en attendant, c’est passionnant.
Le Prix Wolf
La Fondation Wolf a été créée en 1975 par le Dr. Ricardo Subirana Y Lobo Wolf, inventeur d’un procédé de récupération du fer utilisé dans les sidérurgies du monde entier, et sa femme, Francisca. Son ambition est de poursuivre les activités philanthropiques mises en place par le couple, et notamment la reconnaissance et la célébration de « contributions exceptionnelles à l'humanité » par le biais du Prix Wolf. Ce prix prestigieux, qui a vu près d’un tiers de ses lauréats récompensés ensuite par le Prix Nobel dans leur discipline, est décerné depuis 1978, et assorti d'une récompense de 100 000$ pour ses lauréats, qui sont sélectionnés par des jurys anonymes, composés d'experts du monde entier. Il récompense à la fois la science et les arts, avec des nominations dans les domaines de la médecine, de l'agriculture, des mathématiques, de la chimie et de la physique, d’une part, de la peinture de la sculpture, de la musique et de l'architecture de l’autre.
Propos recueillis par Aline Aurias.
Le Prix Wolf ©DR
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