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Marion V
S'il ne représente pas un enjeu de santé publique majeur, le strabisme est tout de même à l’origine de 12 à 13 000 opérations chirurgicales par an, essentiellement pour des considérations esthétiques et psychosociales, même si une fraction des strabismes impacte également la vision. Nous faisons ici le point sur ce défaut d’alignement des yeux et sa prise en charge.
Dr François Audren, médecin ophtalmologiste, Service Urgences, Service Neuro-Ophtalmologie/Strabisme de l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild
On parle de strabisme dès lors que les axes des yeux ne sont pas alignés. En effet, si les deux yeux sont parfaitement droits au sens médical (orthoptique) du terme, le cortex visuel va développer une superposition parfaite des images renvoyées par chaque œil. Cette image est non seulement unique (on ne voit pas double), mais elle est également perçue en relief (dans le sens du relief fin, tel qu’il est testé lors de l’examen clinique). Si cette capacité d’avoir les deux yeux qui fonctionnent normalement ensemble n’est pas acquise lors des premiers mois ou années de vie, lorsque l’on bénéfice d’une grande plasticité cérébrale, il est ensuite trop tard pour retrouver une vision binoculaire normale. Le strabisme touche entre 2,5 et 4% de la population générale, avec des variations assez importantes d’une origine ethnique à l’autre. Pour les populations caucasiennes par exemple, il se répartit en deux tiers de strabismes convergents et un tiers de strabismes divergents, alors que dans nombreux pays d’Extrême Orient les strabismes divergents sont largement majoritaires.
Ce fonctionnement binoculaire normal se vérifie en consultation par les tests dits de vision stéréoscopique, comme les tests de Lang, Wirt ou TNO. On peut également mesurer l’angle de déviation des yeux. D’un point de vue physiologique, « soit on est droit, soit on n'est pas droit. Et à partir du moment où les yeux ne sont pas droits, même en cas de déviation minime, qui peut-être, esthétiquement ne se voit pas du tout, les performances seront dégradées aux tests de vision du relief qui nécessitent la collaboration des deux yeux », détaille François Audren, médecin ophtalmologiste au Service Urgences/Neuro-Ophtalmologie de l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild.
Lorsqu’il est présent chez l’enfant, le strabisme est généralement dû à un trouble de développement du contrôle neuronal du système oculomoteur. Sans qu’on sache nécessairement très bien pourquoi, survient un problème de calibration des neurones qui ne permettent pas aux yeux de s’aligner parfaitement. Ce strabisme est le plus souvent isolé. Plusieurs facteurs de risques ont cependant été identifiés dans le strabisme infantile, tels que la prématurité, le petit poids de naissance, le tabagisme maternel ou certaines anomalies réfractives dont l’hypermétropie. S’il existe un facteur de risque familial, avec des familles de strabiques, celui-ci n’est probablement pas le fait d’un seul gène de prédisposition, et il est tout à fait possible d’avoir des fratries dans lesquelles certains enfants sont strabiques et d’autres non.
Du fait de la plasticité cérébrale, le jeune enfant ne voit pas double, mais il peut exister un risque d’amblyopie (c’est-à-dire de baisse visuelle d’un œil dévié s’il n’est pas stimulé suffisamment). L’amblyopie fonctionnelle est une complication justifiant un traitement qui donnera des résultats d’autant meilleurs qu’il est débuté précocement, tant que la plasticité est suffisante. Si celle-ci n’est pas prise en charge, c’est-à-dire si une personne garde une mauvaise vision d’un œil, cela entraîne un retentissement sur sa qualité de vie durant toute la vie. De plus, chez une personne âgée amblyope, si une pathologie dégénérative se déclare sur l’œil qui voit bien, le risque d’entrer dans le handicap et la dépendance est beaucoup plus rapide que chez un sujet non amblyope.
Le dépistage précoce et la prise en charge de ces strabismes infantiles et de l’amblyopie sont donc un enjeu de santé publique. D’autant, spécifie François Audren, « que le coût du traitement de l’amblyopie est très faible. Il s’agit essentiellement de mettre un cache sur le « bon » œil, pour stimuler plus l’autre ». Il faut noter que la prévalence des amblyopies strabiques sévères a sans doute baissé du fait de la généralisation du dépistage infantile mis en place ces dernières décennies, avec particulièrement une prise en charge meilleure et plus précoce des strabismes convergents associés à l’hypermétropie forte.
Chez l’adulte, on rencontre évidemment des strabismes présents depuis l’enfance, et qui ont pu s’accentuer. Cependant, près de la moitié des strabismes adultes (45%) sont le fait de paralysies oculomotrices, touchant les nerfs qui contrôlent les mouvements oculomoteurs, et qui sont le plus souvent spontanément résolutifs. Ici, le facteur de risque principal est l’âge. La cause de ces paralysies est souvent microvasculaire : un petit vaisseau vascularisant les nerfs oculomoteurs se bouche transitoirement, ce qui lèse le nerf. Dans 80 à 90% des cas cependant, le nerf repousse doucement et la personne touchée récupère complètement, en quelques semaines ou mois, sans séquelles.
L’autre cause majeure est également liée au vieillissement, mais cette fois-ci elle concerne les issus conjonctifs orbitaires suspenseurs des muscles oculomoteurs. Ce vieillissement va provoquer un affaissement des structures orbitaires qui va entraîner un changement de positions des muscles par rapport à leur position normale. Leur vecteur de force change alors, ce qui va résulter en un décalage des yeux, qui peut d’ailleurs augmenter très lentement. « C'est un phénomène physiologique, comme on a les paupières qui tombent ou un excès de peau lorsqu’on vieillit. Avec le vieillissement de la population, et le fait que les seniors sont de plus en plus actifs et exigeants au niveau visuel, on voit de plus en plus de consultations pour ce type de cas » explique François Audren. Un strabisme acquis de l’adulte peut donc révéler de multiples mécanismes.
SUITE de l'article le 9 décembre 2024 !
Propos recueillis par Aline Aurias
Pour vous aider à mieux connaître les bonnes pratiques pour suivre l'évolution visuelle de votre enfant, et la santé de ses yeux, nous vous proposons ce tableau de synthèse. Ces préconisations sont à minima, en situation de prise en charge nécessaire par un médecin ophtalmologiste (ophtalmologue), suivez strictement ses conseils quant au rythme de contrôle préconisé pour votre enfant.
L’œil est un organe précieux et fragile. Ne dit-on pas de quelque chose à laquelle on est très attaché « j’y tiens comme à la prunelle de mes yeux » ? Il est important de faire contrôler et de préserver ses yeux afin d’acquérir dès le plus jeune âge une bonne vue, et de la conserver toute la vie. L’œil, cette bille de 2,5 cm de diamètre et pesant seulement 7 grammes, abrite pourtant un système très complexe. Directement relié au cerveau, l’œil nous permet de voir et d’interagir avec le monde extérieur.
Marion V
Elisabeth G
Anne-Laure P
Aurélie C