Strabisme : traitement chirurgical et prise en charge
Dans cette 2e partie, nous abordons les différentes approches pour traiter le strabisme, qu’elles soient médicales ou chirurgicales. En plus de corriger la vision, ces traitements visent souvent à atténuer les impacts psychosociaux liés à ce trouble, notamment à travers la chirurgie, solution de référence dans de nombreux cas.
Relire la partie 1 : "Strabisme de l'adulte, strabisme infantile, des causes et conséquences qui diffèrent" >
Dr François Audren, médecin ophtalmologiste, Service Urgences, Service Neuro-Ophtalmologie/Strabisme de l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild
Traitements du strabisme : la chirurgie, solution de choix
Les traitements du strabisme peuvent être de deux ordres : médical, par la correction optique, afin d’assurer la meilleure vision possible, ou/et chirurgical. Chez l’enfant, la prise en charge par une correction optique permet dans certains cas une diminution voire une disparition du strabisme, et la correction de l’éventuelle amblyopie.
Cependant, si cette correction optique ne suffit pas, le traitement chirurgical du strabisme peut être envisagé.
Ainsi, sur les 13 000 opérations du strabisme effectuées par an en France, la moitié concerne des enfants de moins de 10 ans. En effet, « l’opération chirurgicale des strabismes est idéalement préconisée avant l’entrée en CP, âge où le retentissement psychosocial du strabisme s’accentue », précise François Audren.
La chirurgie, simple sur le principe, consiste à raccourcir ou insérer à un autre endroit du globe oculaire les muscles oculomoteurs, qui tiennent l’œil en place et lui permettent de bouger. Le choix des muscles à opérer et du dosage de la chirurgie (nombre de millimètres de déplacement du muscle) sont déterminés par le chirurgien ophtalmologue en fonction des symptômes à corriger et de leur amplitude.
« L'opération chirurgicale des strabismes est idéalement préconisée avant l'entrée en CP »
Les adultes opérés le sont essentiellement pour des strabismes infantiles qui ne posaient pas problème dans l’enfance mais se sont accentués, ou bien pour des strabismes acquis. Une fois déterminé que le strabisme n’est pas lié à une paralysie oculomotrice, fréquemment susceptible d’une récupération totale, le traitement est le plus souvent chirurgical. Cependant, comme le remarque François Audren, « les strabismes dus à l’affaissement des muscle oculomoteurs apparaissant chez des personnes qui ont plus de 60 ans, et entrainant une vision double mais avec de petits angles de déviation, peuvent être traités optiquement par des prismes chez ces patients qui le plus souvent portent déjà une correction optique. »
L'aspect social, un moteur majeur de la prise en charge chirurgicale du strabisme
Les strabismes acquis tardivement peuvent être extrêmement invalidants. En effet, l’adulte ne bénéficiant plus d’une grande plasticité cérébrale, cette déviation du regard peut entraîner une vision double (diplopie) pouvant être responsable d’un handicap fonctionnel majeur tel qu’une perte d’autonomie, des chutes, l’impossibilité de conduire, etc. « Les gens qu'on opère pour leur vision double, dans les cas où cela est indiqué, sont extrêmement reconnaissants car cette chirurgie leur procure un gain énorme en termes de qualité de vie » souligne François Audren, qui reprend : « Les aspects esthétique et fonctionnel ne s'excluent pas l'un et l'autre. On peut avoir un strabisme inesthétique sans voir double, ou un très léger strabisme et une diplopie, et tout le spectre de pondération des problèmes est possible. La chirurgie permet en général de gagner sur les deux versants quand ils sont présents ».
Mais dans la majorité des cas, la chirurgie n’est pas prescrite pour pallier des symptômes fonctionnels, mais pour l'aspect psychosocial. « La plupart des adultes qu'on opère présentent des strabismes divergents, et les patients nous racontent que le fait que leur interlocuteur ne sait pas où il regarde est un handicap dans leurs relations personnelles ou professionnelles. C'est une demande très banale de chirurgie de strabisme. Dans ces cas, on cherche non pas à aligner les yeux pour des questions de vision, mais pour que le strabisme ne se voit pas » précise le médecin.
« La plupart des adultes qu'on opère présentent des strabismes divergents, et les patients nous racontent que le fait que leur interlocuteur ne sait pas où il regarde est un handicap dans leurs relations personnelles ou professionnelles. »
Depuis 20 ans, la recherche s’est beaucoup intéressée au retentissement psychosocial des strabismes. Ceux-ci peuvent en effet occasionner des troubles de l’image de soi, du développement de la personnalité, et des difficultés relationnelles avec l’entourage professionnel ou personnel. « L’altération de la qualité de vie du patient strabique, qu’il soit enfant ou adulte, qu’il souffre de diplopie ou non, justifie donc entièrement les traitements des strabismes » conclut François Audren.
Propos recueillis par Aline Aurias
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