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#Santé

La thérapie génique pour traiter des dystrophies rétiniennes sévères

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OPTICIENS ORTHOPTISTES OPHTALMOLOGISTES
13/04/2021

Certaines pathologies oculaires résultent d'une altération du génome, impactant le fonctionnement du système visuel jusqu'à parfois entraîner la cécité. Parmi elles, les dystrophies rétiniennes, des maladies héréditaires menant à la dégénérescence des cellules photoréceptrices. Or la thérapie génique a déjà permis, pour certaines maladies de la rétine, d'obtenir des résultats plus que probants. À Paris, à l'Institut de la Vision, l’un des plus importants centres de recherche entièrement dédiés aux maladies oculaires, le projet RDH12, mené conjointement par Deniz Dalkara et Olivier Goureau, vise à démontrer l'efficacité de la thérapie génique de substitution pour traiter l'amaurose de Leber avec mutation du gène RDH12. Explications.

La thérapie génique de substitution figure depuis de nombreuses années parmi les axes de recherche prometteurs en ophtalmologie. “Les premiers essais cliniques de substitution génique ne sont pas récents : trois études attestaient déjà en 2007, à trois endroits différents du monde, qu'il n'y avait pas de contre-indications majeures à utiliser cette voie thérapeutique. Au contraire, les effets étaient même positifs et montraient déjà une amélioration de la vision chez des adultes”, explique Deniz Dalkara, directrice de recherche Inserm à l'Institut de la Vision. En 2020, un médicament en thérapie génique obtient une autorisation de mise sur le marché aux Etats-Unis et en Europe : une première en ophtalmologie ! Le Luxturna est alors indiqué pour le traitement des dystrophies rétiniennes héréditaires résultant de mutations bi-alléliques confirmées du gène RPE65 et possédant suffisamment de cellules rétiniennes viables.

Recherche thérapie génique - Institut de la Vision

Crédits photo © HARGOUES / Institut de la Vision / CNRS Photothèque

L'amaurose congénitale de Leber (LCA2), une dystrophie rétinienne congénitale précoce

L'amaurose congénitale de Leber, maladie héréditaire entraînant une perte de vue dès l'enfance, représente 5% de toutes les dystrophies rétiniennes et 20% de la cécité chez les enfants d'âge scolaire. Plusieurs mutations touchant des gènes différents - tous exprimés dans les photorécepteurs ou l'épithélium pigmentaire de la rétine - peuvent être responsables de l'amaurose congénitale de Leber. Et notamment la mutation du gène RPE65. “Dans ce cas, une mutation récessive cause l'absence d'une protéine qui est normalement responsable du processus d'isomérisation nécessaire au cycle de phototransduction. Cet enzyme s'appelle RPE65 et son absence entraîne à terme une dégénérescence des photorécepteurs, à l'origine de la perte de vision”, précise Deniz Dalkara.

En quoi consiste la thérapie de substitution ?

Il s'agit de prendre un vecteur, en l'occurrence un virus adéno-associé (AAV) débarrassé de ses propres gènes, et donc complètement inoffensif, qui transporte le matériel génétique - dans le cas de la LCA2 une copie saine du gène codant le RPE65 - au sein des cellules rétiniennes où il est normalement exprimé. “La cellule se met à synthétiser l'enzyme, ce qui relance le fonctionnement normal des cellules de l'épithélium pigmentaire de la rétine : une seule injection va en principe durer toute la vie en permettant l'expression de la protéine déficiente et ainsi une récupération de la fonction visuelle”, ajoute le Dr Dalkara. Il existe toutefois quelques limites à ce traitement par substitution : l'injection très localisée ne suffit pas à traiter l'ensemble de la rétine et donc à rétablir son fonctionnement global. De plus, le taux de réussite à vie de cette thérapie génique est davantage assuré lorsque l'intervention est réalisée le plus tôt possible. “En effet, si les photorécepteurs sont déjà perdus, la correction de la mutation dans les cellules de l'épithélium pigmentaire ne fait plus sens. La thérapie génique est toujours limitée par la présence des cellules photoréceptrices”, précise Olivier Goureau. À ce jour, les enfants dès 4 ans, diagnostiqués avec cette maladie, peuvent être éligibles à ce traitement.

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Une solution pour les mutations monogéniques récessives

Ces essais de thérapie génique ont ouvert la voie à la duplication de cette approche thérapeutique pour le traitement d'autres maladies rétiniennes. Toutefois, pour que ce principe de substitution génique puisse fonctionner, deux conditions doivent être respectées : être dans le cas d'une maladie monogénique et en présence d'une mutation récessive. Bien que cela limite par conséquent son champ d'application, cette thérapie demeure très efficiente puisqu'en remplaçant le gène entier, il est possible de traiter toutes les mutations d'un même gène. Depuis, d'autres thérapies géniques ont ainsi été mises en place, notamment pour la choroïdérémie, le rétinoschisis lié à l'X ou encore la neuropathie optique de Leber qui touche les cellules ganglionnaires de la rétine (cf. Le Guide de la Vue n°29, p.12).

L'amaurose congénitale de Leber (LCA13)

L'amaurose congénitale de Leber de type LCA13, c'est-à-dire présentant des mutations du gène RDH12 (Rétinol-Déshydrogénase 12), ne bénéficie pas à ce jour de thérapie génique de substitution appliqué en clinique. C'est pourquoi le projet RDH12, mené à l'Institut de la Vision, vise à mettre en place une partie préclinique afin d'appliquer cette stratégie pour le traitement de l'amaurose congénitale de Leber de type LCA13. Son objectif : optimiser d'une part les technologies utilisées pour le transfert de gènes et améliorer d'autre part les modèles utilisés pour démontrer l'efficacité du traitement par substitution génique. “Nous avons l'avantage à l'Institut de la Vision de travailler sur des cellules souches, ce qui nous a permis dans un premier temps de fabriquer des mini-rétines en 3D, appelées organoïdes, qui miment la rétine dans des conditions de fonctionnement normal. Lorsque l'on conçoit ces organoïdes à partir de cellules souches de patients porteurs de la mutation RDH12, on peut alors observer le phénotype associé à cette mutation du gène, qui se conclut par la mort des photorécepteurs”, ajoute Olivier Goureau. Dans un contexte certes ex-vivo mais purement humain, l'idée est donc de tester la thérapie génique de substitution et analyser si un gène sain, transporté au sein des cellules malades par les fameux AAV, est capable d'induire un fonctionnement normal de la mini-rétine. Et le chercheur d'ajouter : “Nous allons ensuite établir la meilleure combinaison possible sur nos organoïdes - le meilleur vecteur, avec le meilleur promoteur - pour ensuite le développer dans un modèle de souris où nous serons alors confrontés à d'autres problématiques.”

thérapie génique recherche

Tester le système de transfert du gène

En raison des différences anatomiques et cellulaires entre les rétines de la souris et de l'homme, les maladies ne s'expriment pas de la même façon chez l'un comme chez l'autre. Par exemple, le rongeur ne présente pas les mêmes manifestations phénotypiques de la mutation du gène RDH12 que l'être humain. “Le rongeur ne devient jamais vraiment aveugle, ce qui rend impossible la démonstration du rétablissement de la fonction visuelle suite à la thérapie de substitution, ajoute Deniz Dalkara. Il est cependant possible sous certaines conditions de challenger les souris en les mettant dans des conditions où l'on peut démasquer des phénotypes et biochimiquement démontrer l'efficacité de notre méthodologie en ce qui concerne la vectorologie.” Et la chercheuse d'ajouter : “Au lieu d'administrer le virus tout près des photorécepteurs, en dessous la rétine, ce qui implique un décollement de rétine (risqué et à effet limité), nous allons essayer de faire une injection dans le vitré et, par ce biais, transduire la rétine de façon homogène grâce aux propriétés de nos virus qui peuvent pénétrer toutes les couches de la rétine, même les plus profondes”. Le choix de cette technique est particulièrement important car l'injection de l'AAV dans le vitré peut à terme être un geste plus simple pour les chirurgiens, à l'instar des injections d'anti-VEGF qu'ils réalisent déjà dans le cadre de la DMLA exsudative.

Ainsi, en portant d'une part sur les organoïdes afin de comprendre les phénotypes et les effets de la substitution génique et, d'autre part, un travail in-vivo pour tester l'efficacité du système de transfert de gène, le projet RDH12 de l'Institut de la Vision espère poser les bases nécessaires au développement d'un essai clinique et, peut-être, à terme, une industrialisation du traitement de l'amaurose congénitale de Leber de type LCA13. À suivre donc.

Soutenez la recherche, faites un don

Pour soutenir le travail des chercheurs engagés dans la lutte contre les maladies de la vision, vous pouvez faire un don à la Fondation Voir et Entendre sur www.don-vision.fr, par téléphone au 01 53 46 26 07 ou par courrier en adressant votre chèque à l’ordre de la Fondation Voir & Entendre au 17, rue Moreau 75012 Paris.

Rédaction réalisée en partenariat avec les équipes de l'Institut de la Vision, avec tous nos remerciements.

Docteur Deniz Dalkara
Dr Deniz Dalkara
, directeur de Recherche Inserm, est responsable de l'équipe "Thérapies géniques et modèles animaux pour les maladies neurodégénératives" dans le Département Thérapeutique de l'Institut de la Vision à Paris.

 

 

 

 

Docteur Olivier Goureau

Dc Olivier Goureau, directeur de recherche Inserm, est responsable de l'équipe "Développement et régénération de la rétine : apport des cellules souches pluripotentes" dans le Département de Biologie du Développement de l'Institut de la Vision à Paris.

 

 

 

 

 

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