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Les mécanismes de la vision 3D : découvertes à l'Institut de la Vision

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OPTICIENS ORTHOPTISTES OPHTALMOLOGISTES

Les circuits neuronaux de la rétine et du cerveau impliqués dans la vision sont d’une grande complexité. En résulte, entre autres, la vision stéréoscopique, qui permet de voir l’environnement en trois dimensions à partir des images envoyées par chaque œil. Or, la vision tridimensionnelle (3D) peut être altérée dans certaines pathologies oculaires, comme l’albinisme par exemple. C’est pourquoi les scientifiques étudient ce processus, dont une meilleure compréhension est nécessaire si on veut envisager de nouveaux traitements de certaines maladies de la vision. Les équipes de Filippo Del Bene et Alain Chédotal, à l’Institut de la Vision, ont étudié la vision 3D chez les poissons : leurs premières conclusions pourraient bien faire date...

 

Comment notre cerveau voit en 3D

À l’instar de tous les mammifères, l’homme dispose d’une vision stéréoscopique, c’est-à-dire capable de percevoir le relief et la profondeur. Pour rappel, l’image qui se forme sur la rétine est captée par les photorécepteurs et codée par les cellules ganglionnaires rétiniennes qui l’acheminent via leur prolongement (axones rétiniens) le long des deux nerfs optiques. Puis les axones des cellules ganglionnaires se séparent au niveau du chiasma optique. Ceux qui proviennent de la région médiane de la rétine atteignent le cerveau via le nerf optique opposé, tandis que ceux qui proviennent de la région latérale de la rétine restent dans le nerf optique situé du même côté et y demeurent jusqu’au cerveau. Ainsi, chaque côté du cerveau reçoit des informations en provenance des deux yeux : c’est ce qu’on appelle la projection visuelle bilatérale. Cependant, en raison de l’écart existant entre les deux yeux mais aussi de leur inclinaison distincte, les images perçues en deux dimensions par les deux rétines sont légèrement différentes. C’est justement ce décalage qui permet aux centres visuels cérébraux d’analyser, de comparer et de générer une image en trois dimensions.
 

Microscopie à feuillet de lumière du cerveau d'un lépisosté

Image obtenue par microscopie à feuillet de lumière du cerveau d’un lépisosté. Les projections visuelles provenant de l’œil gauche sont vues en vert et celles de l’œil droit en magenta. Elles se projettent des 2 côtés du cerveau.
 

Albinisme, une altération de la vision en relief

La vision stéréoscopique est altérée dans certaines pathologies oculaires. C’est par exemple fréquemment le cas de l’albinisme, une maladie génétique et héréditaire rare. Celle-ci touche en Europe 1 personne sur 17 000 - la prévalence est plus importante en Afrique - et est responsable de 5% de la malvoyance dans le monde ; elle concernerait en France près de 20 000 personnes. Cette maladie se caractérise par un manque partiel ou total de mélanine : elle affecte la pigmentation des yeux, de la peau, des cheveux et altère considérablement la vision. Le premier signe ophtalmologique est souvent l’apparition d’un nystagmus précoce - des mouvements oscillatoires involontaires des yeux -, associé à une forte photophobie. Concernant l’absence de vision stéréoscopique, celle-ci est perturbée en raison d’une proportion anormalement élevée d’axones rétiniens se projetant du côté opposé.
 

Dessin de Léonard de Vinci représentant les yeux et le cerveau

Dessin de Léonard de Vinci (1508) représentant les yeux (1), les deux nerfs optiques (2) et le chiasma (3).
 

La vision stéréoscopique chez les espèces vivantes

Pour mieux comprendre ces mécanismes, des chercheurs ont comparé les systèmes visuels de différentes espèces de mammifères, en mesurant/calculant notamment le ratio de neurones rétiniens qui se connectent au côté opposé du cerveau. Celui-ci est d’environ 50% chez les primates, 85% chez le furet ou encore 97% chez la souris, la vision binoculaire des primates est donc plus développée que celle des rongeurs et l’est, plus généralement, chez les espèces prédatrices. Cette organisation bilatérale existe également chez les oiseaux, reptiles et amphibiens. Or des travaux anciens suggéraient que ce n’était pas le cas des poissons, chez lesquels on pensait que tous les neurones rétiniens étaient connectés au côté opposé du cerveau. Ainsi, l’apparition des projections visuelles bilatérales aurait représenté l’une des transformations majeures dans l’évolution des espèces, ayant accompagné - avec le développement des membres et poumons - la sortie des eaux, il y a environ 320 millions d’années.
 

Schéma vision différentes espèces de poissons et de l'homme     Schéma groupes d'êtres vivants et leur vision
 

Les découvertes de l’Institut de la Vision

Les équipes de l’Institut de la Vision, menées par Filippo Del Bene et Alain Chédotal, se sont justement intéressées à cette question en étudiant l’organisation des projections visuelles de nombreuses espèces de poissons. En collaboration avec des chercheurs australiens, américains et espagnols, ils ont utilisé des techniques d’imagerie 3D de dernière génération, notamment la microscopie laser à feuillet de lumière. Cela leur a permis de cartographier les voies visuelles des poissons anciens et des poissons téléostéens. Ces derniers représentent aujourd’hui plus de 95% des poissons actuels. Leurs résultats, publiés dans la revue américaine Science*, pourraient bien remettre en question les modèles existants : ils ont en effet découvert que les poissons anciens avaient tous des projections visuelles bilatérales et que seuls les téléostéens avaient des projections visuelles d’un seul côté du cerveau. Ainsi, une organisation bilatérale de projections visuelles existait bel et bien chez les poissons avant la sortie des eaux, mais elle a disparu chez les poissons actuels. Ils ont également observé que les mécanismes moléculaires qui contrôlent la mise en place de ces projections bilatérales diffèrent entre les mammifères et les poissons anciens.

Aujourd’hui, les travaux des équipes de recherche se poursuivent, avec l’idée de mieux comprendre l’origine et la fonction de la latéralité des projections visuelles ainsi que les mécanismes moléculaires qui contrôlent la décision des axones rétiniens de se connecter d’un côté ou l’autre du cerveau. Une plus grande connaissance de ces processus est en effet indispensable pour mieux appréhender le système visuel et ses pathologies, et ainsi explorer de nouvelles pistes et stratégies thérapeutiques.

* Science, Bilateral visual projections exist in non-teleost bony fish and predate the emergence of tetrapods, DOI: 10.1126/ science.abe7790
 

Schéma du champ de la vision 

La partie centrale du champ visuel est vue par les 2 yeux (binoculaire). Dans chaque œil, la rétine située du côté latéral (en vert pour l’œil gauche) est connectée à des centres visuels du cerveau du même côté alors que la rétine médiane (en magenta) se projette sur le côté opposé.

 

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Pour soutenir le travail des chercheurs engagés dans la lutte contre les maladies de la vision, vous pouvez faire un don à la Fondation Voir et Entendre sur www.don-vision.fr, par téléphone au 01 53 46 26 48 ou par courrier en adressant votre chèque à l’ordre de la Fondation Voir & Entendre au 17, rue Moreau 75012 Paris.

Crédits photos : © Institut de la Vision

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