L’amblyopie
L’amblyopie, aussi connue sous le nom d’ “œil paresseux", est un trouble du développement de la vision qui peut entraîner une vision plus faible d’un œil par rapport à l’autre, même en l’absence d’anomalie des voies visuelles.
Elle survient pendant la période critique de maturation visuelle, entre 0 et 6 ans. En effet, la vision n’est pas mature à la naissance mais se développe au cours des premières années de vie, lorsque la plasticité cérébrale est la plus grande. Ce n’est qu’à l’âge de 10 ans qu’on considère que l’enfant a acquis toutes ses facultés visuelles.
Au cours de cette période de maturation, si le cerveau reçoit une image de mauvaise qualité venant d’un œil, il va privilégier l’apprentissage de la vision en utilisant l'œil qui voit le mieux. Cela empêche le développement normal de la vision dans l'œil amblyope, qui est mal stimulé.
Ainsi, l’amblyopie n’est pas causée par une anomalie des voies visuelles elles-mêmes, mais par une altération de l’expérience visuelle lors de la période de développement de la vision.
Dans la majorité des cas, l’amblyopie est unilatérale, c’est-à-dire qu’elle ne touche qu’un œil. L’amblyopie bilatérale, plus rare, peut toutefois survenir, en cas de forte amétropie (absence de netteté dans la vision) dans les deux yeux par exemple.
Les symptômes de l'amblyopie
L’amblyopie est souvent asymptomatique, car les enfants ne se plaignent pas et s’adaptent en utilisant leur œil sain. Difficile à détecter, elle est souvent découverte lors d’un dépistage visuel de routine.
Certains signes, toutefois, peuvent alerter. Avant 6 mois, des anomalies du comportement peuvent évoquer un trouble visuel : manque d’intérêt aux stimuli visuels, retard d’acquisition de la préhension des objets, ou absence de déplacement de l'œil en réponse à un stimulus par exemple. La déviation oculaire (strabisme) est également un signe à prendre en compte.
De 6 mois jusqu’à l’acquisition de la parole, d’autres comportements en plus des précédents sont à considérer : un enfant qui se cogne, tombe fréquemment, plisse des yeux ou ferme un œil au soleil (photophobie).
A l’âge verbal, les enfants peuvent signaler une gêne visuelle en vision de loin ou de près, des picotements et brûlures oculaires, ou des maux de tête.
Les causes de l'amblyopie
Tout ce qui interfère dans la transmission d’une image claire et nette au cerveau peut provoquer une amblyopie. Les anomalies de la réfraction oculaire sont en cause dans 60 % des cas. Lorsqu’un œil est plus hypermétrope, myope ou astigmate, il transmet des images floues que le cerveau va peu à peu négliger pour favoriser l’apprentissage visuel de l'œil sain. Sans traitement de l’amblyopie, le port de lunettes adaptées ne suffira pas à améliorer la vision.
Le strabisme participe pour 35 à 40 % à l’amblyopie. Lorsqu’un seul œil est dévié, la vision ne se développe pas de manière symétrique et une amblyopie apparaît sur l'œil qui ne fixe pas.
On parle d’amblyopie fonctionnelle quand il n’y aucune anomalie anatomique de l'œil ou des voies visuelles. C’est le cas le plus fréquent, lié aux troubles de la réfraction et au strabisme.
Plus rarement, l’amblyopie peut avoir d’autres origines : cataracte congénitale associée à une opacité des milieux transparents de l’œil, occlusion d’un œil par un ptosis (affaissement anormal de la paupière supérieure), pathologies rétiniennes…
Quand la cause de l’amblyopie est une malformation ou une pathologie du système visuel, on parle alors d’amblyopie organique. Plusieurs causes peuvent toutefois se cumuler. Quand l’amblyopie associe le versant fonctionnel et organique, on parle d’amblyopie mixte. Chaque amblyopie est finalement un cas unique.
Certains facteurs de risque augmentent de manière significative le risque de développer une amblyopie, comme les antécédents familiaux d’amblyopie, de strabisme ou d’anomalie réfractive importante, ou la prématurité.
Le dépistage de l'amblyopie
L’amblyopie peut avoir des conséquences irréversibles si elle n’est pas détectée et traitée à temps, d’où l’importance du dépistage, qui permet de repérer l’amblyopie dès le plus jeune âge. Il est proposé de pratiquer systématiquement un bilan visuel aux trois âges suivants : à la naissance, entre 9 et 15 mois, entre 2 ans et demi et 4 ans (après l’acquisition de la parole). En France, le dépistage a permis de réduire considérablement la fréquence de l’amblyopie au cours des quinze dernières années.
Le dépistage de l’amblyopie consiste en des examens simples et rapides, adaptés à l’âge de l'enfant et réalisés par les médecins généralistes et pédiatres lors des examens de routine, ou par des professionnels de santé (orthoptiste, infirmier) en écoles maternelle et primaire.
Dans les premiers jours, le bilan recommandé comporte un interrogatoire des parents, un examen externe de l'œil, et une recherche des premiers réflexes visuels normalement présents à la naissance.
Entre 9 et 15 mois, en plus des précédents tests, un dépistage du strabisme et une estimation de la vision stéréoscopique de près (vision du relief) sont menés.
A partir de 2 ans, l’examen de l’acuité visuelle est un élément central du dépistage. Il
consiste à présenter à l’enfant des images, lettres ou symboles, de taille progressivement décroissante, pour évaluer sa capacité à voir distinctement.
En cas d’anomalie lors de ces tests, ou chez les enfants à risque d’amblyopie, l’examen chez un ophtalmologiste s’impose pour confirmer le diagnostic par un examen de la réfraction.
Le traitement de l'amblyopie
Le traitement, s’il est bien effectué, conduit à 100 % de guérison entre 0 et 6 ans. Plus l’enfant est pris en charge tôt et plus le traitement est efficace. Le traitement est personnalisé en fonction de l’origine de l’amblyopie, il convient en premier lieu de traiter la cause sous-jacente (correction d’un strabisme, chirurgie d’une cataracte ou d’un ptosis par exemple). Les lunettes sont toujours nécessaires pour corriger des anomalies de réfraction.
La partie la plus importante du traitement est basée sur l’occlusion d’un œil. En cachant l'œil dominant avec un pansement, on stimule le développement visuel de l'œil dont la vision est la plus faible. Cette occlusion se fait initialement 24 heures sur 24, avec une durée variable selon l’âge de l’enfant et la sévérité de l’amblyopie (en général quelques semaines). Une fois que l’acuité visuelle de l'œil amblyope s’est améliorée, la rééducation doit être complétée par un traitement d’entretien pour éviter la récidive d’amblyopie (réduction du temps d’occlusion, port de lunettes, gouttes). Le suivi par l’ophtalmologiste ou l'orthoptiste est nécessaire jusqu’à la fin de la période critique du développement visuel (environ 10 ans).
Si l’occlusion de l'œil est un traitement simple, efficace et peu coûteux, il entraîne parfois de la réticence des parents. Le port d’un pansement 24h/24h peut en effet être contraignant pour l’enfant. Toutefois, la coopération et le dialogue avec les parents sont essentiels pour la réussite du traitement, qui nécessite une rigueur et le respect strict des consignes données par l’ophtalmologiste.
L’amblyopie n’est réversible que pendant la période sensible, de 0 à 6 ans voire jusqu’à 10 ans (le meilleur moment pour le traitement se situerait avant 3 ans). Si l'œil amblyope n’est pas traité suffisamment tôt, il sera difficile voire impossible de faire remonter l’acuité visuelle. L’enfant risque de garder un œil malvoyant, ce qui peut engendrer un risque de handicap visuel et d’altération de la qualité de vie à l’âge adulte.
Source :
L’amblyopie et son traitement, AFSOP (Association Francophone de Strabologie et d’Ophtalmologie Pédiatrique)
Strabisme, Rapport SFO (Société Francaise d’Ophtalmologie), 2013
Recommandations de dépistage des troubles visuels chez l’enfant, Mai 2022, AFSOP, SFO
Dépistage précoce des troubles de la fonction visuelle chez l’enfant pour prévenir l’amblyopie, octobre 2002, Haute Autorité de Santé
Avec la participation du Dr Delphine Jarry-Albert, Hôpital National des 15-20.